Mes « papiers
préparés » sont des terrains d’aventure.
C’est un très
long travail hérité des papiers collés de Braque et de Picasso jusqu’aux
assemblages Pop de Rauschenberg et Jasper Johns en passant par les recherches de
matière de Dubuffet et Tapies. Pour réaliser un papier préparé, je prends un
papier blanc très épais sur lequel je compose un collage fait de papiers,
cartons, photos, textes, reliefs de toutes sortes comme des découpages de boîte
de bière ou de soldats de plomb… Lorsque j’ai terminé cette étape du tableau
c’est un peu comme si j’avais parcouru l’histoire de l’art du XXème siècle. A
ce stade du collage, j’oublie le côté lisible et signifiant de certains éléments
et j’entreprends de peindre ce fond avec une large brosse, un pinceau, un
couteau, un chiffon, mes doigts ; à l’encre, à la gouache, à l’acrylique,
convoquant le Monet des Nymphéas, Pollock et Rothko. Ça devient un tableau
abstrait. Je chahute couleurs, aplats, mates, brillances, dégoulis, jusqu’à
ce que mon tableau trouve une harmonie et un équilibre. C’est un plaisir
égoïste puisque cette œuvre n’est qu’un fond et il n’en restera presque rien
lorsque j’aurai dessiné et peint dessus. Lorsque je pars sur le motif à la
recherche d’une ambiance ou d’une sensation, j’ai généralement 5 ou 6 de ces
fonds dans mon sac. Arrivé devant le sujet qui m’intéresse, je m’assois sur le
trottoir ou m’appuie à un poteau et je cherche lequel de ces fonds semble le
plus en harmonie avec le lieu que je veux dessiner. Mon crayon ou ma plume
rencontrent à ce moment-là du travail tous les obstacles des matières, des
collages de photos ou de textes dont la présence à cet endroit de la feuille est
plus ou moins en contradiction avec ce qui, dans la logique de mon dessin, doit
être représenté là. Il me faut alors « négocier » entre ce que racontent déjà
le papier préparé et ce que j’aimerais montrer du sujet devant moi.
(texte de Daniel
AUTHOUART qui me correspond bien.)
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